IA et Quality Monitoring: la Banque Postale pointée du doigt par Cash Investigation. A juste titre ?

Dans un récent numéro de Cash Investigation, un responsable de la Banque Postale ( dont les services de relation client sont dirigés par Sandrine Beltran) a raconté que la banque utiliserait l’IA pour noter les salariés télé-conseillers. Parfois avec des biais liés à leur accent. TP Interact, une filiale ou BU de Teleperformance, serait l’outil déployé et utilisé à mauvais escient par certains managers de la banque.
Vrai/ Faux ?
CallMiner, Teleperformance, IA, à quoi sert l’analyse des conversations sur les plateaux. Qu’apporte l’IA de nouveau ?
-Dans le reportage, il est allégué qu’un téléconseiller, d’origine étrangère, se verrait mal noté par le logiciel, précisément parce que ce dernier ne sait pas distinguer qu’il a affaire à un agent qui s'exprime avec un accent. L'agent se verrait mal noté alors qu'il est très compétent, indique le salarié qui témoigne, anonymement, un responsable de service. Le déploiement de l'outil de QM, enrichi à l'IA aurait débuté en 2022.

-Le reportage de Cash Investigation, dont on peut revoir la séquence sur Youtube, n’a pas occasionné de réponse de vive voix des dirigeants de la Banque Postale. Celle-ci a préféré répondre, par écrit, que l’usage fait depuis 2023 et 2024 de la solution déployée était réduit à la formation des agents et non à leur notation. La Banque Postale a refusé toute interview mais a répondu par mail : "La Banque Postale a déployé en 2024 un logiciel de Quality Monitoring, utilisant l'intelligence artificielle pour analyser seulement 10% des interactions téléphoniques entre les chargés de clientèle (...) et leurs clients. (…) Il est uniquement utilisé pour former au quotidien les chargés de clientèle des centres d’appels, afin d’améliorer la prise en charge à distance des clients, et leur satisfaction."
Mal connue, l'IA et l'usage qui en est fait dans le speech analytics et les agents conversationnels suscitent donc bien des craintes et images d'Epinal: l'exemple évoqué est peut-être marginal et ne permet pas de tirer des conclusions.Les éléments évoqués laissent plutôt penser à un mauvais calibrage et pilotage de l'outil et à un déficit d'interprétation corrective des notations.
Dans la vidéo qui suit et met en scène François Chevé (désormais chez Zaion), Dominique Yapi, de la direction commerciale et marketing de Groupama et Emmanuel Simonet ( désormais chez Accenture), on découvre que les logiciels d'analyse des conversations sont utilisés depuis longtemps dans les centres de contacts, afin que la voix du client et ses éventuelles frustrations, motifs de départ, soient pris en compte. Il est donc dommage que François Cardona, le réalisateur du reportage de Cash Investigation n'ait fondé sa démonstration que sur un cas et sans mise en perspective.
-Le « flicage » dans les call-centers est un serpent de mer des articles et émissions qui décrivent l’univers des centres d’appels et qui sont souvent réducteurs : en 2016, l'installation d'un logiciel de Workforce Management chez Teleperformance avait déclenché une volée d'articles négatifs, sur des grands médias nationaux (TF1, Europe 1 etc..) témoignant de la connaissance très relative que ces derniers ont de cette industrie et des outils qui y sont déployés, utilisés.

On y laissait croire que les pauses pipi étaient contingentées, à dessein, parce que chronométrées.
TP Interact, CallMiner, Sandrine Beltran
Teleperformance utilise et déploie chez ses clients, depuis longtemps, ce type d’outils, qui permet également d’évaluer les émotions suggérées par les conversations. Le numéro 1 mondial s’appuie sur CallMiner, un logiciel bien connu.
Différents outils logiciels français permettent également de réaliser les mêmes opérations de pilotage de la qualité et prennent parfois en compte la tonalité émotionnelle d'une conversation. Chez Magnolia, la directrice des opérations, Bénédicte Albessard explique dans la vidéo qui suit quel outil elle a choisi, déployé en trois semaines et les bénéfices et ROI constatés sur les ventes et l'analyse des motifs de frustration chez les clients. Instructif !
Ce qui se fait et pratique à la Banque Postale.
La Banque Postale fait travailler 3000 agents dans ses call-centers, localisés en France, qui reçoivent 12 millions d'appels par an. Dans sa division assurances, elle s'est équipée d'un bot conversationnel, Lana.

En-Contact a consacré un portrait à la coach du 3639, Sandrine Beltran, venue de la Société Générale. Cette dernière vient d'être nommée administratrice de l'AFRC, comme précisé dans notre dernière rubrique mercato.
Semaine passée, l'un des journalistes d'En-Contact a désiré souscrire une assurance auto à la Banque Postale, après avoir consulté la MAIF et Pacifica (Crédit Agricole). Son conseiller en agence bancaire de la Banque Postale avait bien fait son travail de recommander sa filiale assurances. Le conseiller par téléphone de LBP n'a pas réussi à trouver le véhicule dans son véhiculier pour deviser. “ Votre véhicule doit être trop récent”. Chez les deux compagnies concurrentes, la VW était identifiée.
Ce qui manque parfois dans l'analyse des cas et opportunités qui n'ont pas fonctionné, c'est l'amélioration continue, l'amélioration des process à partir des cas litigieux, complexes.
Vrai/Faux
En résumé, et pour répondre à la question de la véracité de ce reportage : il y a certes du travail et des pistes d'amélioration effectives à la Banque Postale. Mais Cash Investigation a fondé des conclusions sur l'analyse d'un cas unique, sans la mise en perspective ni l'étude des nombreux apports du QM et du speech analytics dans de très nombreux centres de contacts.
La rédaction d'En-Contact.
