Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Assassinat de Brian Thompson, PDG de UnitedHealthcare. Une expérience assuré, patients qui a mal tourné?

Publié le 06 décembre 2024 à 11:00 par Magazine En-Contact
Assassinat de Brian Thompson, PDG de UnitedHealthcare. Une expérience assuré, patients qui a mal tourné?

Le 4 décembre 2024, Brian Thompson, PDG de United Healthcare, le plus grand assureur santé des États-Unis, a été assassiné en plein cœur de Manhattan, devant un hôtel prestigieux. L'affaire a non seulement ébranlé le secteur des assurances santé, mais elle a également révélé une colère profonde envers un système souvent perçu comme injuste par des millions d'Américains. Les mots gravés sur les balles ayant tué Thompson — "deny" (nier), "defend" (défendre) et "depose" (destituer) — résonnent comme un manifeste contre les pratiques controversées de l'industrie des assurances santé.

Lorsque vous tirez sur un homme dans la rue, c'est un meurtre. Lorsque vous tuez des milliers de personnes dans les hôpitaux en leur interdisant de se faire soigner, vous êtes un entrepreneur », a écrit un utilisateur de X (ex-Twitter). L'efficacité ironique de la comparaison permet de poser le problème qui a surgi et passionne les médias américains depuis deux jours. Rien ne dit à ce stade que le meurtrier soit un client de l'assureur, mais les internautes et patients assurés par la compagnie semblent presque comprendre le drame, lui trouver une forme étonnante de légitimité.  

UnitedHealthcare : Un géant aux pratiques contestées
UnitedHealthcare domine le marché des assurances santé aux États-Unis, couvrant des millions de citoyens et générant des milliards de dollars de profits chaque année. En 2023, la société avait enregistré un bénéfice net de près de 24 milliards de dollars, une performance qui souligne son influence majeure dans l'économie américaine. Toutefois, ces chiffres cachent une réalité sombre pour de nombreux assurés.

Brian Thompson, CEO de UnitedHealthcare, et l'hôtel Hilton, lieu du crime

Les pratiques de United Healthcare, comme celles de nombreux autres assureurs, ont souvent été critiquées pour leur complexité bureaucratique. Une plainte courante des clients est le refus systématique de certaines demandes de remboursement, même lorsque ces dernières concernent des soins essentiels. En effet, "deny" — "nier" — est l'une des stratégies les plus souvent reprochées aux assureurs, consistant à rejeter des demandes sous prétexte de clauses non respectées ou d'erreurs administratives. Ces tactiques permettent aux assureurs de minimiser leurs coûts, mais laissent les patients dans des situations désespérées.

Les balles gravées : un message puissant, inquiétant
Les mots "deny", "defend" et "depose", trouvés gravés sur les douilles des balles ayant tué Thompson, ont intrigué les enquêteurs et alimenté les débats publics.

"Deny" (nier) fait écho à la pratique des compagnies d'assurance de rejeter les réclamations, obligeant les patients à se battre pour obtenir les soins nécessaires.

"Defend" (défendre) pourrait être interprété comme une critique des efforts et déployés par ces entreprises pour défendre leurs bénéfices et échapper à toute réglementation stricte.

Enfin, "Depose" (destituer) semble symboliser un appel à renverser un système perçu comme corrompu et insensible aux besoins des citoyens.

Ces mots inscrits sur les balles ne sont pas anodins. Ils traduisent une colère palpable envers un système de santé considéré comme mercantile, où l'intérêt des patients passe souvent après celui des actionnaires.

Le rôle des réseaux sociaux dans l'expression de la colère
Après l'assassinat, les réseaux sociaux ont été rapidement envahis et submergés de témoignages de citoyens et assurés dénonçant les abus des compagnies d'assurance. Sur Twitter, des hashtags comme #HealthcareRevolution et #UnitedHealthcareNightmare ont émergé, rassemblant des milliers de récits personnels.

Certains témoignages relatent des situations dramatiques où des patients, confrontés au refus de couverture, ont dû renoncer à des traitements vitaux. D'autres dénoncent des délais interminables pour l'approbation de soins, entraînant des complications médicales graves. Ces récits mettent en lumière un sentiment généralisé d'impuissance face à un système opaque et complexe.

Un utilisateur, par exemple, a écrit :

"Quand ma mère a eu besoin de chimiothérapie, United Healthcare a refusé de couvrir les coûts en prétendant que le traitement était expérimental. Nous avons dû vendre notre maison pour payer les factures. #JusticeForPatients"

De tels témoignages révèlent les fractures d'un système de santé où les profits priment souvent sur la compassion et l'accessibilité.

Un meurtre symptomatique d’un malaise sociétal
Le meurtre de Brian Thompson ne peut être compris sans considérer le contexte plus large de l'insatisfaction des Américains envers leur système de santé. Selon une enquête récente, 60 % des citoyens estiment que leur assurance santé ne répond pas à leurs besoins. Les coûts des primes, des franchises et des soins non couverts pèsent lourdement sur les budgets familiaux, forçant beaucoup à choisir entre leurs soins de santé et d'autres nécessités essentielles.

La tragédie reflète également un climat de frustration croissante envers les grandes entreprises perçues comme insensibles aux réalités humaines. Si les mots sur les balles symbolisent une critique directe de United Healthcare, ils traduisent également une colère plus profonde contre un système qui semble privilégier les profits au détriment de la dignité humaine.

Quelles réformes pour éviter de nouvelles tragédies ?
À la suite du drame, des appels à une réforme du système de santé se multiplient. Certains militent pour l'instauration d'une assurance santé universelle, où l'État jouerait un rôle central dans la gestion des soins. D'autres préconisent une réglementation plus stricte des assureurs privés pour garantir une transparence accrue et réduire les abus.

Cependant, ces propositions se heurtent à des obstacles politiques majeurs. Les compagnies d'assurance, dont UnitedHealthcare, disposent d'un pouvoir de lobbying considérable. En 2023, le secteur de la santé a dépensé plus de 700 millions de dollars en activités de lobbying, influençant ainsi les décisions législatives et ralentissant les réformes.

Une industrie à un tournant
Le meurtre de Brian Thompson est un point de rupture pour l'industrie de l'assurance santé. Alors que l'enquête se poursuit, il devient clair que cette tragédie a donné une voix à des millions de personnes mécontentes du système actuel.

Les citoyens réclament non seulement justice pour les victimes du système de santé, mais aussi une refonte complète de ce dernier. La pression publique, amplifiée par les réseaux sociaux, pourrait forcer les compagnies d'assurance à repenser leurs pratiques et à recentrer leurs priorités sur les besoins des patients.

L’assassinat de Brian Thompson, père de deux enfants, dépasse le simple cadre criminel. Il met en lumière les tensions profondes qui traversent le système de santé américain et soulève des questions cruciales sur l’éthique des grandes entreprises. Alors que les Américains continuent de partager leurs histoires, une chose est claire : le statu quo semble à certains insoutenable au point de déclencher des incivilités, des envies de meurtre. Thompson et d'autres cadres de la compagnie étaient et sont poursuivis en justice pour délit d'initiés, et pratiques monopolistiques. Le PDG décédé aurait empoché  environ 15 millions de dollars dans l'opération. 

Il y a quatre ans, en France, de nombreuses compagnies d’assurance, dont Axa, ont été critiquées et vilipendées pour leur célérité et performance dans l'utilisation de stratégies de défaussement de leur responsabilité. Aux USA, American Express, qui a longtemps été un jalon en matière de service client et de qualité de la prise en charge de ses clients est très critiquée, depuis deux ans. 

“No evidence has emerged that the killer was a UnitedHealthcare customer”
Creating a better health care experience. We believe that when it comes to your health, everything matters. That’s why we are constantly working to improve the health care experience and make it deliver for the needs of everyone.

La loi du talion, une mauvaise réponse à un vrai problème. 

Simplest experience, affordable coverage, quality supported care, les trois promesses sur lesquelles la compagnie UH s'engage sur son site web ont-elles été démenties, contredites à un tel point que ceci ait donné des envies de meurtre à un assuré, un patient? Il est trop tôt pour le dire et rien ne justifie la loi du talion mais les craintes que l'affaire a déclenchées ont déjà eu un effet immédiat : Anthem Blue Cross Blue Shield, une compagnie d'assurances qui entendait limiter la durée des anesthésies est revenue sur cette modification qu'elle envisageait de mettre en place. UnitedHealthcare a supprimé sur son site les photos et bios de ses dirigeants.  

Les trois engagements en matière de parcours et d'expérience patient pris et annoncés par UnitedHealthcare, sur son site web. 

We know health care can be complicated, so we work to make it simpler — for patients as well as providers. Streamlining processes and providing answers helps make coverage easier to understand and use.

We believe everyone deserves quality health coverage they can afford. So we provide coverage options designed to fit all kinds of budgets, and always look for ways to take costs out of the system to improve affordability and access for all.

We support you in your health care journey. We focus on serving the individual, offering access to quality care, personalized solutions and support for every step of the way.

En France, Laure Marivain, ex-fleuriste, poursuit son combat

La maman d'Emmy, décédée parce que sa mère a manipulé des fleurs coupées, poursuit son combat judiciaire. Le lien de causalité entre son métier, les pesticides qu'elle a ingérés et le décès de son enfant, atteinte d'une leucémie, a été reconnu. Les parents de la petite fille avaient saisi la cour d'appel de Rennes pour faire reconnaitre l'intégralité de leurs préjudices. Leurs demandes d'indemnisation ont été déclarées irrecevables. 

Manuel Jacquinet. 

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×